Nous contacter
Retour

Transformation de bureaux en logements : les indicateurs sont là mais sous certaines conditions.

Entretien

Présentée comme une opportunité de créer des logements tout en limitant l’étalement urbain, la transformation d’immeubles tertiaires en logements n’est pas un sujet nouveau. Alors que le télétravail s’installe durablement en France, que le manque de logements est indéniablement devenu systémique, qu’en est-il de cette « bonne idée sur le papier mais compliquée dans la réalité » ? Le point avec Laurent Kolb, Directeur Général Adjoint de Brownfields.

Laurent Kolb - Directeur Général Adjoint de Brownfields

La transformation de bureaux produit environ 5300 logements par an en France. Le gouvernement souhaite multiplier ce chiffre par 4 dans les dix ans à venir. Est-ce atteignable ?

Laurent Kolb : Cela fait 30 ans que le sujet de la transformation de bureaux en logements fait périodiquement l’objet de débat. Si cette activité est restée « confidentielle », c’est parce que la valeur des bureaux restait structurellement supérieure à celle des logements. C’est non seulement moins le cas aujourd’hui mais plus encore, certains actifs de bureaux vides et obsolètes auront tout simplement du mal à retrouver une deuxième vie. Et ce sous l’effet de deux facteurs ; 

La baisse de la demande : Depuis le Covid, nous avons 20 à 30% de bureaux en trop. En Ile-de-France, il y a actuellement 4,4 millions de m2 de bureaux inoccupés. 

L’obsolescence technique, provoquée par la rénovation énergétique nécessaire pour respecter les contraintes de réduction de consommation des bâtiments. 

Donc oui, la transformation de bureaux en logements est une activité amenée à se développer. C’est le moyen de recréer de la valeur avec des actifs qui n’en ont plus. Quant à quadrupler le volume en 10 ans ? Ce n’est pas impossible, les principaux freins se lèvent petit à petit.

Quels sont ces freins qui se lèvent ?

L.K : Si je me concentre sur l’économie des projets, il y avait jusqu’à aujourd’hui deux éléments bloquants pour ce type d’opérations. 

Le premier, c‘est la valeur de l’actif. L’assiette de valorisation des bureaux étant supérieure à celle des logements, il y avait forcément destruction de valeur en cas de changement d’usage. Mais pour les actifs dont la question même de la valeur se pose, la transformation devient alors inéluctable.

Le deuxième élément, c’est sa morphologie. Le bureau standard, c’est 18 m de large, le logement, c’est plutôt 14 m, voire 16. Et là encore, en conservant le bâtiment existant, il y a perte de valeur puisque, pour un même volume, la surface de bureaux valorisable est beaucoup plus importante que pour le logement. Pour autant certains bâtiments s’y prêtent. Brownfields réhabilite à Angoulême un immeuble de bureaux en 34 logements sous le régime Malraux. A Auderghem dans la région de Bruxelles, nous transformons avec ARTONE un immeuble de bureaux vide depuis 2020 en 83 logements.  

Quelles sont les conditions d’une transformation réussie de bureaux en logements ?

L.K : Il faut d’abord un PLU qui l’autorise. Beaucoup de PLU ont figé les usages pour conserver des bureaux. Là encore, les choses bougent, certains élus acceptent même d’accélérer la modification si le sujet est de transformer des immeubles en logements. D’autre comme le PLU de Paris, vont plus loin et en font même une contrainte.

Il faut en effet une volonté politique d’avoir plus de logements sur son territoire. Beaucoup de maires souhaitent conserver des bureaux qui génèrent de la contribution économique territoriale (CET). Les logements peuvent le cas échéant augmenter les frais en équipements publics, écoles, gymnases, ce qui pose pour certaines communes des difficultés de financement qui ne peuvent pas être résolue seulement avec la création des logements concernés  

Deuxième condition : il faut un actif qui se prête à la transformation, surtout si l’on veut conserver l’existant. Dans certains cas, il faut même pouvoir accepter que la démolition-reconstruction est plus souhaitable si cela permet de densifier tout en renaturant significativement. Cela impose alors un engagement de recyclage poussé des matériaux de démolition. Brownfields possède cette expertise. Notre projet de Suresnes, que nous réalisons avec VINCI IMMOBILIER, en est le meilleur exemple avec un terrain hier totalement artificialisé qui va retrouver 77% d’espaces végétalisés, dont 36% de pleine terre. Sur ce seul chantier, 24000 tonnes de béton ont été déferraillés sur site et valorisés à 100% en granulats. 100% des ferrailles du chantier ont été découpées sur site et recyclées. 70 tonnes de mobilier de bureaux et 100% des faux planchers techniques ont été récupérés.

Enfin, il faut être, bien sûr, dans les bons secteurs. Parmi les bureaux voués à disparaître, il est naturel de sélectionner ceux qui auront les meilleures qualités résidentielles, en termes de cadre de vie bien sûr, mais aussi en termes de valorisation. 

Les incitations fixées par la loi Elan sont-elles efficaces ?

L.B : la loi Elan a octroyé effectivement un bonus de constructibilité de 30%, pour compenser les pertes de surfaces liées à la transformation. Mais cette possibilité n’est pas toujours facile à exploiter. Je crois finalement que les obligations rendues nécessaires pour respecter nos ambitions de réduction de l’impact écologique des bâtiments existants auront plus de conséquences que les incitations. Je pense que le Décret Tertiaire, qui oblige à réduire la consommation d’énergie finale de 40% dès 2030, sera « incitatif » pour les propriétaires , qui préfèreront certainement céder leurs immeubles les moins performants.

Donc, pour vous la transformation de bureaux en logements va monter en puissance ?

L.B : Oui. Les indicateurs vont indéniablement dans ce sens. Le parc tertiaire doit être réduit, le foncier se fait rare et nous avons des objectifs environnementaux ambitieux avec notamment le ZAN (Zéro Artificialisation Nette). La vitesse à laquelle cela va se développer ? Cela dépendra également de l’état du marché immobilier du logement, qui connait aujourd’hui un très fort ralentissement.

Brownfields a déjà reconverti 215 friches. La société va-t-elle aussi s’impliquer dans le développement de ce marché ?

L.B : Bien sûr ! C’est une démarche qui répond aux attentes en matière de ZAN et de nouveaux usages. Et nous sommes un accélérateur de tendances. Nous l’avons montré pour les friches industrielles, avec la procédure de Tiers Demandeur. Nous allons faire de même avec l’immobilier tertiaire à transformer. A ce titre, nous avons prévu d’allouer une part significative de notre fonds 4, fonds à impact inscrit dans l’article 9 du règlement SFDR, à la transformation de bureaux en logements. 

Nous avons les fonds propres, une compétence reconnue en réhabilitation et construction et une expertise inégalée en ingénierie de dépollution, désamiantage et démolition. En bref, tout ce qu’il faut pour apporter les bonnes solutions aux foncières et aux collectivités. Nous avons d’ailleurs déjà quelques très beaux nouveaux projets dans les tuyaux.

Découvrez également...

+ d’actualités