Aujourd’hui, environ 5% des fonds européens sont classés « article 9 », niveau le plus exigeant en matière d’investissement durable. Pourquoi sont-ils si peu nombreux ?
Patrick Viterbo : La réglementation SFDR vise principalement des fonds en actions. Pour les gestionnaires de ces fonds, l’impact est plus compliqué à évaluer car ils dépendent des reportings des sociétés cotées, qui peuvent être plus ou moins nombreuses selon les fonds. Les critères étant assez stricts, il est beaucoup plus simple de s’orienter vers l’article 8, plus souple. De plus, la règlementation de l’article 9 est en cours d’évolution avec des modifications prévues en 2025. Il y a certainement une part d’attentisme chez les gestionnaires, qui ne veulent pas non plus être accusés de green washing.
Quels sont les critères pour être référencé fonds article 9 ?
P.V : Le premier critère est que le fonds doit avoir un objectif de développement durable. Il ne peut investir que dans des activités durables, contrairement à l’article 8 qui n’en fait pas un prérequis. Il doit choisir des activités référencées comme telles par la taxonomie européenne, qui cible 6 objectifs environnementaux :
- L'atténuation du changement climatique.
- L'adaptation au changement climatique.
- L'utilisation durable et la protection des ressources aquatiques et marines.
- La transition vers une économie circulaire.
- La prévention et le contrôle de la pollution.
- La protection et la restauration de la biodiversité et des écosystèmes.
Aucune des activités ne doit avoir d’impact négatif important sur ces objectifs.
Un fonds article 9 doit également mesurer et communiquer régulièrement sur les impacts positifs de ses activités.
Enfin, et c’est peut-être le critère le plus délicat pour les gestionnaires, le fonds doit établir des objectifs clairs et mesurables.
Brownfields 4 était l’un des rares fonds immobiliers en article 9 à son lancement il y a deux ans. Il l’est toujours. Comment expliquez-vous cela ?
P.V : Beaucoup de SCPI sont tournées vers l’acquisition et l’adaptation de bâtiments existants. Mais la transformation d’un immeuble est quelque chose de progressif. Il leur est difficile de mesurer les impacts et surtout d’établir des objectifs chiffrés précis. C’est certainement pour cela que nous sommes si peu nombreux en article 9.
Le fonds 4 est article 9. Le fonds 3 l’est devenu de manière rétroactive. Pourquoi Brownfields est-il plus à l’aise que les autres opérateurs avec l’article 9 ?
P.V : Quand nous nous sommes penchés sur la SFDR pour le fonds 4, nous nous sommes rendus compte que le fonds 3, antérieur à la réglementation, était lui aussi éligible à l’article 9. Ce n’est pas surprenant. Brownfields a toujours fait du développement durable, bien avant que ce soit catégorisé par l’Europe. C’est notre mission et notre modèle économique. Et, alors que c’est un point d’achoppement pour de nombreux opérateurs, nous avons mis en place très tôt des indicateurs non financiers.
Quels sont les indicateurs retenus pour le fonds 4 ?
P.V : Nous avons établi 8 critères ESG avec objectif et indicateur de suivi.
- Gestion du passif environnemental : nous allons engager au minimum 20% du montant du fonds dans la dépollution des sites.
- Artificialisation des sols : nous prévoyons plus de 80 ha d’ENAF (Espaces Naturels Agricoles et Forestiers) non consommés sur l’ensemble des projets.
- Bilan carbone : 40% du bilan carbone sera compensé
- Tiers Demandeur : plus de la moitié des projets seront en Tiers Demandeur. Ce critère montre notre volonté de réduire significativement la durée des dossiers, pour rendre plus rapidement les sites reconvertis aux villes.
- Biodiversité : Le delta de CBS (Coefficient de Biotope par Surface) entre l’état initial et l’état futur doit être à minima supérieur à 0,2.
- Économie circulaire et recyclage : le taux de recyclage visé sur les chantiers de démolition est de 85%, principalement avec la ferraille et le béton. Aujourd’hui, nous arrivons à 92% en traitant le bois, l’alu et même la laine de verre sur quelques opérations. Nous pouvons aller assez loin grâce à des partenaires très performants en démolition sélective.
- Gouvernance : nous incluons nos parties prenantes à toutes les phases des dossiers, avec notamment la mise en place systématique de réunions publiques.
- Logements sociaux : nous réaliserons plus de 30% de logements sociaux, intermédiaires ou abordables sur l’ensemble du fonds.
Pour vérifier ces indicateurs, nous avons mis en place un comité d’impact avec deux experts indépendants. Une scientifique reconnue dans le domaine du réchauffement climatique et un spécialiste en prospective immobilière. Ils nous conseillent et valident la pertinence des indicateurs et leur calcul pour chaque projet.
Le fonds 4 a été lancé fin 2022. Où en est-il aujourd’hui ?
P.V : Comme je l’ai présenté à son lancement, le fonds Brownfields 4 s’inscrit dans la continuité du fonds Brownfields 3. 8 projets sont d’ores et déjà engagés sur 3 thèmes d’investissement:
-Les grandes opérations d’aménagement à destination de logements pour les primo-accédants dans les zones tendues avec 4 opérations.
-La transformation de bureaux en logements avec 2 opérations.
Ces six opérations, toutes de très grande taille, génèreront 3500 logements.
Enfin, nous continuons à nous développer dans les parcs d’activités sur deux sites très intéressants, sur lesquels nous produirons plus de 200 000 m2de locaux destinés aux entreprises de toute taille.